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mardi 7 décembre 2010

E-commerce et consommateur en Europe : quel sera le Tribunal compétent en cas de litige ?

e-commerce : quel tribunal est compétent pour connaître d'un litige né d'une prestation contractée sur un site internet en Europe?

A l'heure où le commerce électronique permet un essor des activités transfrontalières, la Cour de Justice de l'Union Européenne a rendu le 7 décembre 2010 un arrêt *  qui intéressera tant les consommateurs dans l'Union Européenne que les sociétés et entreprises diffusant des prestations de service sur internet ( sites e-commerce, B2C).

La Cour de Justice était, en effet, saisi par la Cour suprême autrichienne ( Oberster Gerichtshof ) dans le cadre de deux litiges opposant :
- d’une part, un consommateur domicilié en Autriche à une société allemande concernant le refus de la société de lui rembourser l'intégralité du prix d'un voyage en cargo auquel il n’a pas participé et dont la description figurait sur Internet, et,
- d’autre part, un Hôtel autrichien à un résidant allemand concernant le refus de ce dernier de payer sa note d’hôtel pour un séjour réservé par Internet.

Cette décision liant, de la même manière, les autres juridictions nationales qui seraient saisies d’un problème similaire, chacun comprendra qu'elle peut intéresser tout consommateur français mais également toute entreprise proposant des prestations de service par internet à destination de consommateurs de l'Union Européenne (les entreprises exerçant une activité en relation avec le tourisme et l'hôtellerie étant plus précisément concernées mais pas seulement).

Dans l'une et l'autre affaires, une exception tendant à l'incompétence de la juridiction autrichienne avait été soulevée :
  • dans la première affaire, M. Pammer avait saisi les juridictions autrichiennes devant lesquelles la société allemande a soulevé une exception d'incompétence au motif qu'elle n'exerce aucune activité professionnelle ou commerciale en Autriche; 
  • dans la seconde affaire, M. Heller, en sa qualité de consommateur résidant en Allemagne, a estimé devoir soulever une exception d'incompétence au motif qu'il ne peut être assigné que devant les juridictions allemandes.
La Cour de Justice devait, en l'occurence, se prononcer sur l'interprétation du règlement  CEE n° 44/2001.
Préalablement, l'article 15 de ce même règlement excluant les " contrats de transport autres que ceux qui, pour un prix forfaitaire, combinent voyage et hébergement", la Cour de Justice était amenée à préciser la notion de " voyage à forfait" " et considérait qu'un :
"contrat ayant pour objet un voyage en cargo, tel que celui en cause au principal [... qui "comportait, pour un prix forfaitaire, également le logement et que ce voyage excédait 24 heures"], constitue un contrat de transport qui, pour un prix forfaitaire, combine voyage et hébergement au sens de l’article 15, paragraphe 3, du règlement n° 44/2001."
Ensuite, il est revenu à la Cour de Justice de répondre à la question de savoir :
" selon quels critères un commerçant, dont l’activité est présentée sur son site Internet ou sur celui d’un intermédiaire, peut être considéré comme « dirigeant » son activité vers l’État membre sur le territoire duquel le consommateur a son domicile, au sens de l’article 15, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 44/2001, et, d’autre part, s’il suffit, pour que cette activité soit regardée comme telle, que ces sites puissent être consultés sur Internet."
A cet égard, la Cour de Justice se prononce sur l'étendue de la protection offerte au consommateur au sein de l'Union Européenne en soulignant que :
  • il ne faut pas " interpréter les termes « dirige ces activités vers » comme visant la simple accessibilité d’un site Internet dans des États membres autres que celui dans lequel le commerçant concerné est établi (69). En effet, s’il ne fait aucun doute que les articles 15, paragraphe 1, sous c), et 16 du règlement n° 44/2001 visent à protéger les consommateurs, cela n’implique pas que cette protection soit absolue (70)." 
  • "... tout en souhaitant davantage protéger le consommateur, ledit législateur n’est pas allé jusqu’à énoncer que la simple utilisation d’un site Internet, laquelle est devenue un moyen habituel de faire du commerce, quel que soit le territoire visé, constitue une activité «dirigée vers» d’autres États membres qui déclenche l’application de la règle de compétence protectrice visée à l’article 15, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 44/2001. (72)."
La Cour de Justice n'apporte pas de réponse précise à cette question puisque, est-il besoin de le rappeler, il ne lui appartient pas de trancher le litige national, cette mission incombant à la juridiction nationale à laquelle il appartient de résoudre l'affaire conformément à la décision de la Cour.

Pour permettre, néanmoins, au juge national de se prononcer à la lumière de la jurisprudence de la Cour de Justice de l'Union Européenne, la CJUE considère que :
" Afin de déterminer si un commerçant, dont l’activité est présentée sur son site Internet ou sur celui d’un intermédiaire, peut être considéré comme «dirigeant» son activité vers l’État membre sur le territoire duquel le consommateur a son domicile, au sens de l’article 15, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 44/2001, il convient de vérifier si, avant la conclusion éventuelle d’un contrat avec le consommateur, il ressort de ces sites Internet et de l’activité globale du commerçant que ce dernier envisageait de commercer avec des consommateurs domiciliés dans un ou plusieurs États membres, dont celui dans lequel ce consommateur a son domicile, en ce sens qu’il était disposé à conclure un contrat avec eux. 

Les éléments suivants, dont la liste n’est pas exhaustive, sont susceptibles de constituer des indices permettant de considérer que l’activité du commerçant est dirigée vers l’État membre du domicile du consommateur, à savoir
  • la nature internationale de l’activité, 
  • la mention d’itinéraires à partir d’autres États membres pour se rendre au lieu où le commerçant est établi, 
  • l’utilisation d’une langue ou d’une monnaie autres que la langue ou la monnaie habituellement utilisées dans l’État membre dans lequel est établi le commerçant avec la possibilité de réserver et de confirmer la réservation dans cette autre langue, 
  • la mention de coordonnées téléphoniques avec l’indication d’un préfixe international, 
  • l’engagement de dépenses dans un service de référencement sur Internet afin de faciliter aux consommateurs domiciliés dans d’autres États membres l’accès au site du commerçant ou à celui de son intermédiaire, 
  • l’utilisation d’un nom de domaine de premier niveau autre que celui de l’État membre où le commerçant est établi et la mention d’une clientèle internationale composée de clients domiciliés dans différents États membres
Il appartient au juge national de vérifier l’existence de tels indices.
 
En revanche, la simple accessibilité du site Internet du commerçant ou de celui de l’intermédiaire dans l’État membre sur le territoire duquel le consommateur est domicilié est insuffisante. Il en va de même de la mention d’une adresse électronique ainsi que d’autres coordonnées ou de l’emploi d’une langue ou d’une monnaie qui sont la langue et/ou la monnaie habituellement utilisées dans l’État membre dans lequel le commerçant est établi. "
Voilà une décision qui intéressera, certes, le consommateur résidant dans l'Union Européenne, mais surtout ceux qui souhaitent connaître les critères que doit remplir un site Internet pour que les activités exercées par le commerçant puissent être considérées comme « dirigées vers » l’État membre du consommateur au sens de l'article 15, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 44/2001. 
En effet, les e-commerçants qui dirigent l’activité de leur boutique en ligne vers les consommateurs résidant à l’étranger courent le risque de devoir tenir compte du droit en matière de protection des consommateurs applicable dans le pays-cible et, en cas de litige, d’être poursuivi en justice dans l’Etat membre où le consommateur a son domicile.
Il faut également rappeler que la notion de " direction de l'activité " est également importante pour déterminer le droit régissant les consommateurs puisque le consommateur peut se prévaloir de sa loi nationale s'il a été sollicité dans son propre pays et si les actes essentiels du contrat y ont été accomplis.

Or, chacun comprendra l'intérêt de déterminer le droit applicable lorsque, concernant le seul droit de rétractatation, des différences importantes existent dans les systèmes juridiques nationaux des pays européens, ce dernier pouvant s'étendre de 7 jours ouvrables à 15 jours, selon que le droit applicable est le droit français ou celui de Malte, lorsqu'il n'est pas modifié (pour mémoire, le délai de rétractation en droit belge est  trés récemment passé de 7 jours à 14 jours).

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