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lundi 29 mars 2010

Cour Européenne des Droits de l'Homme : l'arrêt Medvedyev contre France du 29 mars 2010


Le procureur de la République n’est pas une autorité judiciaire en France puisqu’il n’est pas indépendant du pouvoir exécutif. Voici en substance les enseignements qu'il semble possible de tirer de l'arrêt rendu le 29 mars 2010 par la Cour Européenne des Droits de l'Homme qui affirme , en  l'occurrence,  que le Juge d'Instruction  est une autorité judiciaire indépendante au sens de la Convention. Cette décision pourrait aller à l'encontre de la volonté du gouvernement français de supprimer le juge d'instruction dont les missions seraient assumées par le parquet.
Pour mémoire, les neuf requérants, ressortissants ukrainiens, roumains, grec et chiliens, faisaient partie de l’équipage d’un cargo dénommé le Winner. Immatriculé au Cambodge, le Winner fit l’objet en juin 2002 d’une demande d’interception de la part de la France, ce navire étant soupçonné de transporter des quantités importantes de drogue vouées à être distribuées sur les côtes européennes. Par une note verbale du 7 juin 2002, le Cambodge donna son accord à l’intervention des autorités françaises. Sur ordre du préfet maritime et à la demande du procureur de la République de Brest, un remorqueur fut dépêché de Brest pour prendre en charge le navire et le dérouter vers ce port français. Suite à l’interception du Winner par la Marine française au large des îles du Cap Vert, l’équipage fut consigné dans les cabines du cargo et maintenu sous la garde des militaires français. A leur arrivée à Brest le 26 juin 2002, soit treize jours plus tard, les requérants furent placés en garde à vue, avant d’être présentés le jour même à des juges d’instruction. Les 28 et 29 juin, ils furent mis en examen et placés sous mandant de dépôt. A l’issue de la procédure pénale diligentée contre eux, trois des requérants furent déclarés coupables de tentative d’importation non autorisée de stupéfiants commise en bande organisée et condamnés à des peines allant de trois à vingt ans d’emprisonnement. Six furent acquittés.

Invoquant l’article 5 § 1 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme, les requérants dénonçaient l’illégalité de leur privation de liberté, notamment au regard du droit international, alléguant que les autorités françaises n’étaient pas compétentes à ce titre. Sous l’angle de l’article 5 § 3, ils se plaignaient du délai s’étant écoulé avant leur présentation à un « magistrat habilité par la loi à exercer des fonctions judiciaires » au sens de cette disposition. Par un arrêt du 10 juillet 2008, la Cour a conclu, à l’unanimité, à la violation de l’article 5 § 1, estimant que les requérants n’avaient pas été privés de leur liberté selon les voies légales et, par quatre voix contre trois, à la non-violation de l’article 5 § 3, prenant en compte des « circonstances tout à fait exceptionnelles » notamment l’inévitable délai d’acheminement du Winner vers la France. L’affaire avait été renvoyée devant la Grande Chambre à la demande du gouvernement et des requérants (en vertu de l’article 43).

Par arrêt rendu le 29 mars 2010, la Cour estime que l'équipage du navire a été détenu irrégulièrement en Haute Mer mais rapidement présenté à une autorité judiciaire en France et ce, en violation de l'article 5 § 1 de la Convention européenne des droits de l’homme mais sans violation de l’article 5 § 3 (droit à la liberté et à la sûreté) de ladite Convention.

Voici les termes de l'arrêt rendu le 29 mars 2010 par la Grande Chambre de la Cour Européenne des Droits de l'Homme


"[...]Article 1

La Cour a établi dans sa jurisprudence qu’un État partie à la Convention européenne des droits de l’homme peut voir sa responsabilité engagée sur une zone située en dehors de son territoire lorsque, par suite d’une opération militaire, il exerce un contrôle en pratique sur cette zone, ou dans des affaires concernant des actes accomplis à l’étranger par des agents diplomatiques ou consulaires, ou à bord d’aéronefs immatriculés dans l’État en cause ou de navires battant son pavillon.

La France a exercé un contrôle absolu et exclusif, au moins de fait, sur le Winner et son équipage dès l’interception du navire, de manière continue et ininterrompue. En effet, outre l’interception du Winner par la Marine française, son déroutement a été ordonné par les autorités françaises, et l’équipage est resté sous contrôle des militaires français pendant toute la durée du trajet jusqu’à Brest. Ainsi, les requérants relevaient bien de la juridiction de la France au sens de l’article 1 de la Convention.

Article 5 § 1

Les requérants ont été soumis au contrôle des forces militaires spéciales et privés de leur liberté durant toute la traversée, dès lors que le cap suivi par le navire était imposé par les militaires français. La Cour estime donc que leur situation après l’arraisonnement constituait bien une privation de liberté au sens de l’article 5.

La Cour a pleinement conscience de la nécessité de lutter contre le trafic de stupéfiants et elle conçoit que les États montrent une grande fermeté dans la lutte contre ce trafic. Toutefois, si elle note la spécificité du contexte maritime, elle estime que celle-ci ne saurait aboutir à la consécration d’un espace de non-droit.

Il n’est pas contesté que la privation de liberté des requérants durant le déroutement vers la France avait pour but de les conduire « devant l’autorité judiciaire compétente », au sens de l’article 5 § 1 c). Cependant l’intervention des autorités françaises ne pouvait trouver sa justification, comme le soutient le Gouvernement, dans la Convention de Montego Bay ou dans le droit international coutumier. La loi française n’avait pas non plus vocation à s’appliquer puisque, d’une part, le Cambodge n’était pas partie aux conventions transposées en droit interne, en particulier la convention de Vienne, et, d’autre part, le Winner ne battait pas pavillon français.

Le Cambodge a cependant le droit de coopérer avec d’autres pays en dehors des traités internationaux ; la note verbale du 7 juin 2002 adressée par les autorités cambodgiennes constituait un accord ponctuel permettant l’interception du Winner, mais pas la détention des requérants et leur transfert qui n’étaient pas visés par cette note. L’intervention des autorités françaises basée sur cette mesure de coopération exceptionnelle – s’ajoutant à l’absence de ratifications des conventions pertinentes par le Cambodge ou de pratique continue entre le les deux pays dans la lutte contre le trafic de stupéfiants en haute mer – ne pouvait passer pour « clairement définie » et prévisible.

Il est regrettable que la lutte internationale contre le trafic de stupéfiants en haute mer ne soit pas mieux coordonnée, compte tenu de la gravité et de la mondialisation croissante du problème. S’agissant des États non signataires des conventions de Montego Bay et de Vienne, la mise en place d’accords bilatéraux ou multilatéraux avec d’autres États, tel l’accord de San José de 2003, pourrait fournir une réponse adaptée. Une évolution du droit international public avec une consécration de la compétence de tous les États quel que soit l’État du pavillon, à l’instar de ce qui existe pour la piraterie, serait une avancée significative.

Ainsi la privation de liberté subie par les requérants à compter de l’arraisonnement et jusqu’à l’arrivée à Brest n’était pas « régulière » faute de base légale ayant les qualités requises pour satisfaire au principe général de sécurité juridique. La Cour conclut donc, par dix voix contre sept, à la violation de l’article 5 § 1.

Article 5 § 3

La Cour rappelle que l’article 5 figure parmi les principales dispositions garantissant les droits fondamentaux qui protègent la sécurité physique des personnes et que trois grands principes ressortent de sa jurisprudence: une interprétation étroite des exceptions, la régularité de la détention, la rapidité des contrôles juridictionnels, qui doivent être automatiques et effectués par un magistrat présentant des garanties d’indépendance à l’égard de l’exécutif et des parties et ayant la possibilité d’ordonner la mise en liberté après avoir examiné le bien fondé de la détention.

Si la Cour a déjà admis que les infractions terroristes placent les autorités devant des problèmes particuliers, cela ne signifie pas qu’elles aient carte blanche pour placer des suspects en garde à vue en dehors de tout contrôle effectif. Il en va de même pour la lutte contre le trafic de stupéfiants en haute mer.

En l’espèce, la présentation des requérants à des juges d’instruction, lesquels peuvent assurément être qualifiés de « juge ou autre magistrat habilité par la loi à exercer des fonctions judiciaires » au sens de l’article 5 § 3, est intervenue treize jours après leur arrestation en haute mer (la Cour regrette que le Gouvernement n’ait apporté des informations étayées concernant la présentation à ces juges d’instruction que devant la Grande Chambre).

Au moment de son interception, le Winner se trouvait au large des îles du Cap Vert et donc loin des côtes françaises. Rien n’indique que son acheminement vers la France ait pris plus de temps que nécessaire, compte tenu notamment de son état de délabrement avancé et des conditions météorologiques qui ne permettaient pas une navigation plus rapide. En présence de ces « circonstances tout à fait exceptionnelles », il était matériellement impossible de présenter les requérants plus tôt aux juges d’instruction, sachant que cette présentation est finalement intervenue huit à neuf heures après leur arrivée, ce qui représente un délai compatible avec les exigences de l’article 5 § 3.

La Cour conclut donc, par neuf voix contre huit, à la non violation de l’article 5 § 3.

Article 41 (satisfaction équitable)

La Cour dit, par treize voix contre quatre, que la France doit verser 5 000 euros (EUR) pour dommage moral à chacun des requérants et 10 000 EUR aux requérants conjointement pour frais et dépens. [...]"

Source : communiqué du Greffe de la Cour Européenne des Droits de l'Homme - via Reuters

mardi 2 mars 2010

Réforme de la Procédure Pénale : l'avant-projet révélé et soumis à concertation

L'avant-projet de Reforme du futur Code de Procédure Pénale révélé

Vous pouvez désormais en prendre connaissance : le texte de l'avant projet du futur Code de Procédure Pénale annoncé est désormais disponible. Vous pouvez le télécharger en pdf ici.

Le Ministère de la Justice vient de le soumettre dans un document de 225 pages se voulant " le plus compréhensible possible pour les Français ", selon la Chancellerie, aux différents acteurs concernés : syndicats de magistrats, avocats, policiers, associations de victimes et institutionnels.

Ces derniers vont être consultés durant " six semaines à deux mois ". Des modifications pourront être apportées à la marge, mais le coeur du dispositif envisagé par Michèle Alliot-Marie, à savoir la suppression du juge d'instruction et l'attribution des pouvoirs d'enquête au procureur ( magistrat du parquet subordonné à la Chancellerie ), n'est pas négociable. Le statut du parquet n'est pas abordé puisque tout changement devrait faire l'objet d'une réforme constitutionnelle.

Les Points Clés de la Réforme :

Le document confirme l'apparition dans la procédure pénale d'un " juge de l'enquête et des libertés " (JEL), dont le rôle sera de " contrôler " l'enquête conduite par le procureur. Magistrat expérimenté, le JEL pourra exiger que des actes soient menés et des enquêtes conduites, ce qui, pour la chancellerie, doit lever tout soupçon de partialité et de volonté d'enterrer des affaires sensibles.

Les deux systèmes co-existeraient pendant une période estimée par la Chancellerie à "trois ou quatre ans", la réforme étant mise en oeuvre pour les nouvelles procédures tandis que les instructions en cours iraient à leur terme.

Pour permettre à tout un chacun de faire valoir ses droits en justice, le texte prévoit l'avènement d'une " partie citoyenne ", qui pourra agir s'il n'existe pas de victime directe, en cas de préjudice à la collectivité publique.

Le ministère affirme par ailleurs vouloir mettre en chantier après les régionales une réforme de " l'aide juridictionnelle " - censée permettre aux personnes démunies d'avoir accès à un avocat - qui doit être augmentée en trouvant de nouvelles ressources.

L'avant-projet de réforme prévoit également une modification des conditions des gardes à vue, afin d'essayer de réduire leur nombre en forte augmentation. Cette mesure, qui doit répondre aux strictes " nécessités de l'enquête ", n'est envisageable que pour des crimes ou délits passibles " d'une peine d'emprisonnement ", dont le seuil n'est pas précisé.
Nouveauté : la possibilité pour une personne d'être entendue " librement s'il s'agit d'un délit puni d'une peine d'emprisonnement inférieure ou égale à cinq ans ", pendant quatre heures ou éventuellement six. Concernant le rôle de l'avocat durant la garde à vue, le ministère de la justice propose qu'une copie des procès-verbaux d'auditions " déjà réalisées " lui soit communiquée. Il ajoute à l'entretien d'une demi-heure prévu en début de garde à vue avec l'avocat un nouvel entretien à la 12e heure. Il prévoit aussi que lorsque la garde à vue (généralement de 24 heures) est prolongée, l'avocat puisse assister aux auditions de son client mais pas dès le début de la mesure.

Le texte indique enfin qu'une personne ne peut pas être condamnée "sur le seul fondement des déclarations" faites en l'absence de son avocat.

" On parle de violences policières ? Je propose qu'à terme, toutes les gardes à vue soient filmées ", a dit Michèle Alliot-Marie au Quotidien Le Parisien.

Enfin, le projet de loi prévoit également une modification des délais de prescription. En matière criminelle, la durée à partir de laquelle une personne ne peut plus être l'objet de poursuite pourrait passer de 10 à 15 ans après la commission des faits. En matière délictuelle, ce serait de 3 à 6 ans pour les actes passibles d'une peine d'emprisonnement supérieure à 3 ans, et reste à 3 ans pour les peines inférieures. Par ailleurs, la prescription de l'action prendrait désormais effet à compter du jour où a été commise l'infraction. Cette disposition aurait une conséquence directe sur les affaires financières. Jusqu'alors, la prescription ne courrait qu'à partir du moment où l'infraction était portée à la connaissance de la justice. Cette restriction ne serait dorénavant plus retenue que pour " un crime d'atteinte volontaire à la vie qui a été commis de façon occulte ou dissimulée. "

Source : Nouvel Observateur - AFP via France 24 - L'Express

A lire aussi sur ce sujet : Le Monde

lundi 22 février 2010

Réforme de la Procédure Pénale : l'avant-projet de Loi bientôt dévoilé ?

Réforme de la Procédure Pénale : l'avant-projet de Loi bientôt dévoilé.

" C'est que la rédaction du texte fait l'objet de toutes les attentions de la ministre, qui va jusqu'à rerédiger elle-même les articles qu'elle trouve trop techniques. Perfectionniste, Michèle Alliot-Marie l'est assurément et sa méthode pour mener à bien la réforme obéit à une logique bien structurée. Sans dévoiler le texte lui-même, sur lequel planche encore le groupe de travail pluridisciplinaire réuni par la ministre, Michèle Alliot-Marie a pris soin, depuis le début de l'année, de distiller progressivement les points forts du texte, qui, selon elle, garantiront les droits de la défense et l'indépendance de la justice malgré la disparition du juge d'instruction. Il en va ainsi de la création d'une « partie citoyenne », censée éviter le classement sans suite d'une affaire, de la possibilité donnée au nouveau juge de l'enquête et des libertés de demander des compléments d'enquête au parquet ou encore du régime d'audition libre qui viendrait se substituer à la garde à vue pour les délits les moins graves. Des annonces à chaque fois destinées à tester la réaction de ses interlocuteurs."

" Enfin, la ministre de la Justice procède par étapes : l'avant-projet de loi qui devrait sortir d'ici à quelques jours ne concernera que la phase d'enquête de la procédure pénale, toute la partie procès fera l'objet d'un texte ultérieur."


Source : Les Echos

dimanche 7 février 2010

"L'indépendance de la justice" fait débat dans "Mots croisés" sur France 2 le 8 février 2010

L'indépendance de la Justice est-elle menacée ? dans l'émission "Mots Croisés " sur France 2 ce lundi 8 février 2010 à 22h05.

Après " Le gouvernement face aux fonctionnaires " qui réunira Eric WOERTH, Ministre du budget, des comptes Publics et de la fonction Publique et Olivier BESANCENOT, Porte-parole de NPA, Yves Calvi invite :
  • Frédéric LEFEBVRE, Avocat et Porte-parole de l’UMP, 
  • Elisabeth GUIGOU, Député de Seine-Saint-Denis (PS) et Ancien ministre de la Justice 
  • Evelyne SIRE-MARIN, magistrate et Vice-président du Tribunal de Grande Instance de Paris 

à débattre sur le sujet :
" L'indépendance de la Justice est-elle menacée ? ".
Pour mémoire, le 3eme débat sera consacré au Bloc note politique avec Sylvie PIERRE-BROSSOLETTE, Rédactrice en chef du service de politique intérieure au Point et Jérôme JAFFRE, Directeur du CECOP mais chacun aura compris lequel des 3 sujets nous intéresse plus particulièrement.
En attendant et si vous voulez assister au débat de " Mots Croisés ", contactez Dominique au 0 825 10 50 50

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