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jeudi 14 octobre 2010

Garde à vue : la France condamnée par la Cour Européenne des Droits de l'Homme

Garde à vue : La France condamnée devant la Cour européenne des droits de l’homme dans une affaire de garde à vue au motif que la législation française ne pouvait répondre aux exigences d'un procès équitable. Cette décision risque d'avoir un impact d'autant plus retentissant qu'elle est rendue quelques jours avant que la Cour de Cassation elle-même ne se prononce sur la conformité de la loi française en matière de garde à vue.
Pour mémoire, la Cour Européenne des Droits de l’Homme (CEDH) avait été saisie du cas d’un homme dont le " droit au silence " en garde à vue n’avait pas été respecté. Au demeurant, ce dernier n’avait pu s'entretenir avec son avocat qu’après 20 heures de garde à vue.
La Cour considère qu'en l'espèce, " il y a eu violation de l’article 6 §§ 1 et 3 de la Convention [ Européenne des Droits de l'Homme ] s’agissant du droit du requérant de ne pas contribuer à sa propre incrimination et de garder le silence ;"
Elle rappelle notamment,
que " le droit de ne pas contribuer à sa propre incrimination et le droit de garder le silence sont des normes internationales généralement reconnues qui sont au coeur de la notion de procès équitable. Ils ont notamment pour finalité de protéger l'accusé contre une coercition abusive de la part des autorités et, ainsi, d'éviter les erreurs judiciaires et d'atteindre les buts de l'article 6 de la Convention (voir, notamment, Bykov c. Russie [GC], no 4378/02, § 92, 10 mars 2009, et John Murray, précité, § 45). Le droit de ne pas s'incriminer soi-même concerne le respect de la détermination d'un accusé à garder le silence et présuppose que, dans une affaire pénale, l'accusation cherche à fonder son argumentation sans recourir à des éléments de preuve obtenus par la contrainte ou des pressions, au mépris de la volonté de l'accusé (voir, notamment, Saunders c. Royaume-Uni, 17 décembre 1996, §§ 68-69, Recueil 1996-VI, Allan c. Royaume-Uni, no 48539/99, § 44, CEDH 2002-IX, Jalloh c. Allemagne [GC], no 54810/00, §§ 94-117, CEDH 2006-IX, et O'Halloran et Francis c. Royaume-Uni [GC] nos 15809/02 et 25624/02, §§ 53-63, CEDH 2007-VIII). " mais également , 
que " la personne placée en garde à vue a le droit d'être assistée d'un avocat dès le début de cette mesure ainsi que pendant les interrogatoires, et ce a fortiori lorsqu'elle n'a pas été informée par les autorités de son droit de se taire (voir les principes dégagés notamment dans les affaires Salduz c. Turquie [GC], no 36391/02, §§ 50-62, 27 novembre 2008, Dayanan c. Turquie, no 7377/03, §§ 30-34, 13 octobre 2009, Boz c. Turquie, no 2039/04, §§ 33-36, 9 février 2010, et Adamkiewicz c. Pologne, no 54729/00 §§ 82-92, 2 mars 2010). "

1 commentaires:

Par trois arrêts du 19 octobre 2010, la chambre criminelle de la Cour de cassation, statuant en formation plénière, a jugé que certaines règles actuelles de la garde à vue ne satisfaisaient pas aux exigences de l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme telles qu’interprétées par la Cour européenne. Il en résulte que, pour être conformes à ces exigences, les gardes à vue doivent être menées dans le respect des principes suivants:
- la restriction au droit, pour une personne gardée à vue, d’être assistée dès le début de la mesure par un avocat, en application de l’article 706-88 du code de procédure pénale instituant un régime spécial à certaines infractions, doit répondre à l’exigence d’une raison impérieuse, laquelle ne peut découler de la seule nature de l’infraction;
- la personne gardée à vue doit être informée de son droit de garder le silence;
- la personne gardée à vue doit bénéficier de l’assistance d’un avocat dans des conditions lui permettant d’organiser sa défense et de préparer avec lui ses interrogatoires, auxquels l’avocat doit pouvoir participer.
La chambre criminelle a donc décidé de différer l’application des règles nouvelles en prévoyant qu’elles prendront effet lors de l’entrée en vigueur de la loi devant modifier le régime de la garde à vue ou, au plus tard, le 1er juillet 2011.
Les règles nouvelles ne s’appliquent donc pas aux gardes à vue antérieures à cette échéance.
La chambre criminelle considère que ces arrêts ont aussi pour but de sauvegarder la sécurité juridique, principe nécessairement inhérent au droit de la Convention européenne des droits de l’homme. Ils assurent enfin la mise en oeuvre de l’objectif de valeur constitutionnelle qu’est la bonne administration de la justice, laquelle exige que soit évitée une application erratique, due à l’impréparation, de règles nouvelles de procédure.
* Arrêt n° 5699 du 19 octobre 2010 (10-82.902) - Chambre criminelle
* Arrêt n° 5700 du 19 octobre 2010 (10-82.306) - Chambre criminelle
* Arrêt n° 5701 du 19 octobre 2010 (10-82.051) - Chambre criminelle
Source : Communiqué relatif aux arrêts rendus le 19 octobre 2010 par la Chambre criminelle de la Cour de cassation

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